Nouvelles formes de gouvernance : utopie ou nécessité ?

Par Cécile Chassefeire,

avocate spécialiste en droit des associations et des fondations

 

A l’occasion de la remise des diplômes de la promotion du Certificat de Management des associations, Mines Paris Executive Education et l’Adema nous ont réunis pour des échanges sur les nouvelles formes de gouvernance dans les associations : utopie ou nécessité.

Ce temps d’échange devait permettre de dresser un état des lieux des initiatives nouvelles mises en place dans les associations et de partager des bonnes pratiques en partant du constat que les gouvernances associatives suivent un courant qui vise une organisation de plus en plus horizontale, en impliquant les bénéficiaires, en adoptant des principes de co-présidence, ou d’holacratie, en associant des partenaires extérieurs…

J’y ai proposé quelques observations de mon point de vue d’avocate que je vous partage ici.

Le libre choix de gouvernance d’une association

Attachée à la liberté offerte par la loi de 1901 aux associations, je suis favorable à la mise en place de gouvernances plus innovantes, sortant du schéma classique d’une gouvernance avec une seule tête, chef de file.

Cette liberté est précieuse et permet aux acteurs d’aujourd’hui de répondre à leurs aspirations.

La gouvernance partagée n’est pas sans risque

De fait, choisir une telle organisation plus partagée, horizontale ou collaborative, qui ne correspond pas aux représentations les plus communes comporte une part de risque.

Ainsi, la mise en place d’une forme nouvelle de gouvernance associative est un choix que les acteurs doivent pouvoir expliquer notamment pour rassurer les tiers.

La gouvernance partagée reste une exception pour le moment

En droit, je crois que l’approche des organisations comprend encore une certaine rigidité.

Les statuts type des associations reconnues d’utilité publique servent encore souvent d’exemple d’organisation démocratique, en réalité figée.

Au quotidien, il est difficile de trouver des réponses précises, de la jurisprudence, des exemples adaptés à une situation rencontrée dans une gouvernance innovante.

En matière responsabilité pénale et de délégation de pouvoirs, les juges retiennent que le chef d’entreprise ne peut déléguer ses pouvoirs à plusieurs personnes pour l’exécution d’un même travail, un tel cumul étant, par lui-même, de nature à restreindre l’autorité et à entraver l’initiative de chacun des prétendus délégataires (Cass Crim 12 décembre 2006 n°05-87.125).

La référence juridique reste à bien des égards la promotion d’une ligne hiérarchique ou de pouvoir simple passant par une seule personne.

J’ai souvent le sentiment qu’on a aussi du mal à sortir de l’idée d’un chef de famille, pourtant abandonnée en droit depuis 1970.

La réalité de terrain m’invite aussi à mettre en exergue quelques points de vigilance.

  • Une formalisation claire et écrite des principes de fonctionnement de la forme de gouvernance souhaitée est nécessaire.

Comme pour toute association, les statuts présentent les grandes règles sur le mode d’organisation, la gouvernance de l’association, la composition des instances, les missions principales, la durée des mandats.

La rédaction des statuts doit être adaptée à ce qui est souhaité et elle doit permettre de gérer une situation de crise en évitant les blocages.

C’est quand l’ambiance est au beau fixe, que la confiance existe entre les personnes qu’il convient d’envisager le cas des conflits et les règles permettant de les gérer, d’avoir des portes de sorties.

Cela peut notamment se traduire par le faite de prévoir la possibilité de convoquer une assemblée générale par une minorité d’administrateurs ou un minimum de membres, en particulier pour désigner un nouveau collectif d’administrateurs ou pour décider de l’avenir de l’association.

  • Figer un mode de gouvernance (partagée ou classique) dans les statuts peut être un choix pertinent à un moment et s’avérer inadapté un peu plus tard.

Pour faciliter les passages d’un système à l’autre, permettant une meilleure adaptation aux profils des dirigeants en place, une des solutions que je trouve pertinente est de pouvoir inscrire dans les statuts la possibilité pour les acteurs de choisir explicitement leur mode de gouvernance, le fonctionnement de l’instance dans laquelle ils siègent, pour la durée de leur mandat. Une telle option peut être inscrite dans les statuts.

La difficulté reste de trouver le juste équilibre entre ce qui est écrit dans les statuts et les marges de manœuvre laissées pour l’application des dispositions.

Il est vain de penser pouvoir tout écrire et tout prévoir. Il est alors possible d’inclure dans les statuts une méthode, une démarche permettant de gérer une difficulté : par exemple, on peut explicitement indiquer l’obligation d’engager une démarche de règlement amiable de type médiation (avec un tiers, formé, qui est neutre, indépendant).

  • Il convient de disposer d’autres outils que les statuts pour le fonctionnement au quotidien

Pour le quotidien, hors des statuts, nous recommandons que l’association disposer d’un outil de référence interne sur le qui fait quoi et de prendre le temps d’un dialogue sur ce document ainsi que des temps de bilan/restitution/ en vue de rendre compte et d’améliorer l’organisation au fil des évolutions des besoins.

Privilégier un modèle de gouvernance sur mesure

Je reste convaincue qu’il n’existe pas de modèle idéal applicable à toutes les associations et qu’il appartient aux acteurs, au regard de leur projet associatif, de leurs valeurs et des personnes présentes pour agir, de déterminer ce qui convient à l’association, pour un temps limité, laissant ouverte les capacités d’adaptation.

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Vous souhaitez être accompagnés dans la mise en place d’une nouvelle forme de gouvernance au sein d’une association ou pour tout complément d’information, écrivez-nous par e-mail.

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